- Né en 1934, habite à Paris. Professeur émérite à l'Université Paris
Nord.Il se consacre à des activités scientifiques, littéraires et artistiques. Ses écrits
portent un regard tendre et compatissant sur l'homme, ou critique et drôle sur no-
tre monde et nous-mêmes. Certains d'entre eux, poèmes, nouvelles, chansons, essais,
ont été publiés depuis 1977 dans des journaux, une quarantaine de revues - réguliè-
rement pour certaines - et dans sept recueils (1). Il met en scène et joue des montages
de ses textes et chansons et initie des débutants au "dire" des textes courts.
(1) "J'ai laissé mourir le soir " (Ed.St G-des P. 1979) ; "Un lièvre explosa " (Ed.St G
.des P. 1982) ; "Au jour : le Jour, Et quand le sentiment sourd " (IHV 1986) ; "L'Ame
des Pierres " (Ed.Résurrection, 1993) ; "Anatole et son chat " (IHV 1998) ; " Contes Cruels"
(Editinter 1998) ;"Des Mots pour le Rire ", Avant-Propos de Jean L'Anselme (Editinter 2000).
Certains textes ont pu être reproduits grâce à l'aimable autorisation des Editions IHV et Editinter.
Qu'elles trouvent ici l'expression de nos remerciements. (S.A.)
LE VIEUX CIMETIERE
Dans le vieux cimetière
les racines enfouies se mêlent
aux morts
et les pointes des grilles basculées
témoins des anciens cultes
provoquent les vivants
Extrait de "Au jour : le Jour , Et quand le sentiment sourd " (IHV 1986).
***
À QUOI PENSENT LES OISEAUX
A quoi pensent les oiseaux
quand ils volent ?
une mouette sur la mer
corps fixe, ailes battantes
elle entend quoi
son sang le vent ?
vire et plane
oeil têtu
le voulant, se soulève
Oiseau j'aurais pu être
enfermé dans ce corps lourd qui vole
regardant par ces yeux noirs
moi planté sur le sable bercé par l'océan
j'entends chant continu
le vent mon sang
demain la terre encore
et les mouettes sur la mer
A quoi pensent les oiseaux
quand ils volent ?
Extrait de " Au jour : le Jour, Et quand le sentiment sourd " (IHV 1986)
***
POURTANT ON L'AIMAIT BEAUCOUP AUSSI
Vraiment de loin on aurait cru un homme un homme en réduction
mais Zao c'était le nom qu'on lui avait donné était un petit animal enfin je
crois Il comprenait tout s'attachait à vous vraiment on aurait cru un homme
mais en réduction
Tiu était moins intelligent plus sautillant et petit alors petit ! Souvent
on le perdait mais où est-il ? et on avait peur de marcher dessus par inadver-
tance
Ouka lui avait une tête de lapin il nous sautait au cou on l'aimait beau-
coup aussi Un soir il n'y avait pas de viande pour le dîner on dut manger
Ouka ce fut bien triste on reconnaissait les morceaux on reconnaissait les
morceaux pourtant on l'aimait beaucoup aussi il nous sautait au cou
Extrait de " Contes Cruels " (Edit Editinter, 1998)
***
UN ÉCORCHÉ
C'est un écorché vif
ce gars qui n'a jamais eu de peau,
d'une sensibilité inouïe.
Dès qu'un mot l'effleure
Aïe ça lui fait mal
Une phrase l'assassine : que de mots !
un point le met KO
Pas la peine de lui décocher un trait
pour le piquer au vif
un jet de cil, une syllabe
suffit
Un flot de paroles
et il saigne. . .
Mais parlez-lui quand même
car le silence l'étouffe.
Extrait de "Des Mots pour le Rire " (Editions Editinter, 2000).
***
EXCUSEZ-MOI D'ÊTRE VIEUX
Je suis vieux. Ce n'est pas ma faute. Si cela n'avait dépendu que de moi, je serais
resté jeune. Mais on ne m'a pas demandé mon avis. Petit à petit, je me suis délabré. J'ai
toujours l'impression d'être jeune, mais d'après les réactions des autres et les réflexions
de mon miroir, il semble que ce ne soit plus la vérité.
Le feuillage a jauni sur moi peu à peu sans que je m'en aperçoive. Pendant que
je changeais à peine de l'intérieur la façade exposée aux autres s'est décrépie et aucun
ravalement ne pourra l'améliorer.
C'est une vilaine chose qui m'arrive là.
Qui m'a fait cela ? Qui a posé sur moi sans que je m'en aperçoive les signes extérieurs
de décrépitude ?
Vraiment ce n'est pas ma faute.
Excusez-moi d'être aussi vieux.
Vous pouvez rigoler, ça vous arrivera aussi. Mais Dieu soit loué, vous n'y croyez
pas encore. Moi non plus je n'y croyais pas. Je pensais que les vieux avaient toujours été
vieux, qu'ils formaient comme une race. J'en croisais dans certains villages à des années
d'intervalles et je croyais qu'il s'agissait des mêmes. Mais non. Ce n'étaient pas les mê-
mes. Il y a comme un renouvellement de vieux, un apport de sang neuf, il y a des vieux
qui viennent de devenir vieux. Il y a de jeunes vieux. Les vieux vieux sont morts, eux.
Ils en avaient assez d'être vieux, les autres aussi d'ailleurs de les voir de plus en plus
vieux.
Moi ça va encore, je suis un jeune vieux pas envieux. Je commence seulement mon
temps de vieux. Oh, je ne me fais pas d'illusions, ce ne sera pas un nouvelle jeunesse
mais je vais vivre encore un bon moment j'espère, et mieux : de bons moments.
Je suis là devant vous ; devant vous vous avez une nouvelle vieillesse.
Et moi, devant moi, qu'est-ce que j'ai ?
Et moi, devant moi?
Extrait de "Des Mots pour le Rire " (Editions Editinter, 2000).
***
CIVILISATION
Roule l'édredon de la mer
s'affole et s'accroche
aux buissons d'épines
et les plumes
comme une écume folle
volent
au-dessus des déchets
***
IL Y AVAIT AUSSI
il y avait aussi,
mais plus pour très longtemps
des vols hésitants de mains,
aux doigts effilés
des morceaux de temps vides
des soupirs arrêtés,
à moitié de leur course
et un papillon rouge,
qui se cognait aux murs
***
LENTEUR
Jour finissant
tiédeur
village lorrain
rue vieille qui revient des champs
la lenteur des chevaux
et des choses comme ça
***
LE GRAND DÉPART
Petit enfant
à peine un jour
tous te regardent et s'exclament
et toi tu ne vois personne
concentré sur ton corps derrière tes paupières
tu n'es pas loin du paradis mais tu as franchi les bords
te souviens-tu déjà de cet espace perdu ?
tu ne sembles pas le regretter dans ta nouvelle chaleur
Silencieuse la vie dans son élan met toute sa machinerie
à te fabriquer cellules, nerfs et connexions
dans des milliards d'agitations qui te laissent tranquille
Parfois tu entrouvres un oeil et le refermes vite
comme si ça n'en valait pas encore la peine
tu as tant de choses à faire... et à regarder encore
s'éloigner la terre promise.
***
L'ÉTROIT PASSAGE
Un infirme
sur un trottoir
tricotait
laborieusement
son chemin
Une femme
d'envergure
ambulait
superbement
l'opposé
Un enfant
d'un bord à l'autre
bondissait
joyeusement
sur ses pieds
***
TON CORPS
Ton corps est fait de neige
ma main se glisse dans les flocons
Ton corps est fait de plomb
ma main en éprouve le poids
Ton corps est fait de bois
ma main en lisse 1'écorce
Ton corps est fait de force
ma main en mesure les lignes
Ton corps est fait de vigne
ma main en cueille les grappes
ton corps est fait de neige
ma main en éprouve le poids
ton corps est fait de bois
ma main en mesure les lignes
ton corps est fait de vigne
ma main en lisse l' écorce
ton corps est fait de force
ma main se glisse dans les flocons
***
CHEVELURE
Une femme
de ma fenêtre
joue sa chevelure
la répand au soleil
se penche, visage caché
le rideau flotte, sensuel
toison souple et soyeuse
parole brune et chaude
La femme lève la tête
dévoile son visage pâle
Sur son dos maintenant
les cheveux sages et secs
errent et se balancent
sur les côtés
Tuesday, October 2, 2007
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